Charges communes générales et spéciales : quelle différence ?
Dans une copropriété, les parties de l’immeuble ou du terrain affectées à l’usage exclusif d’un seul titulaire de lot sont des parties dites « privatives ». De manière résiduelle, les parties des bâtiments et terrains à l’usage ou l’utilité de tous les copropriétaires, ou au moins plusieurs d’entre eux, sont dites « communes ».
Par principe, chacun des copropriétaires devra s’acquitter des charges liées aux lots dont il est exclusivement titulaire, tandis que l’ensemble des copropriétaires devront supporter tous les frais et dépenses afférents aux parties communes de l’immeuble.
Toutefois, le législateur de 1965 a opéré une distinction entre les charges communes générales et les charges communes spéciales selon un critère bien précis : celui de la nature de l’avantage procuré aux copropriétaires.
- Les charges communes générales, regroupent les dépenses liées à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties utilisées par tous les copropriétaires, tel que le coût d’un ravalement de la façade de l’immeuble par exemple. Chaque copropriétaire en supporte une fraction proportionnelle à la valeur de sa partie privative.
Article 3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 - Les charges communes spéciales, quant à elles, ne pèsent que sur certains copropriétaires seulement car concernent des parties d’une copropriété « affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires ». Chaque lot y contribue à proportion de l’utilité propre qu’il en retire.
Article 6-2 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965
L’exemple le plus courant est celui d’une copropriété composée de plusieurs bâtiments (A, B et C). Chaque bâtiment constitue une partie commune spéciale dont seuls bénéficient les copropriétaires dont l’appartement se situe dans ledit bâtiment.
Cette exclusivité conduit les copropriétaires concernés à assumer seuls les frais et charges se rattachant au bâtiment.
Dans ce contexte, les frais générés par une procédure judiciaire pour des faits ne concernant qu’un des bâtiments sont-ils des charges communes spéciales ?
Bref retour sur le régime applicable aux parties communes spéciales
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, a modifié la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 en précisant le régime juridique des parties communes spéciales.
Le législateur de 2018 a en grande partie transposé la jurisprudence en la matière.
Ainsi, pour exister, les parties communes spéciales doivent être mentionnées expressément dans le règlement de copropriété et générer des charges spéciales.
Articles 6-2 et 6-4 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965
Qu’en est-il des frais liés à une procédure judiciaire ?
Malgré les apports de la loi ELAN, une question persiste : celle des frais de procédure, comprenant les honoraires d’avocat, les condamnations à des dommages et intérêts et les dépens.
Reprenons l’exemple précité.
La toiture du bâtiment « A » cause un dommage à un bâtiment voisin, hors de la copropriété. Les propriétaires de ce dernier assignent le syndicat des copropriétaires en réparation de leurs préjudices.
La charge des travaux de remise aux normes de la toiture du bâtiment « A » doit être répartie entre les copropriétaires du bâtiment concerné.
Qu’en est-il est des honoraires d’avocat et des dommages et intérêts auxquels le syndicat a été condamné ? Le règlement de copropriété peut-il prévoir que ces frais ne soient répartis qu’entre les copropriétaires du seul bâtiment « A » ?
La 2ème Chambre de la Cour d’appel de Paris a répondu par la négative dans un arrêt du 19 juin 2019 (CA Paris, Ch. 2, 19 juin 2019, n° 16/07824).
Dans un premier temps, elle rappelle que les articles 10 et 10-1 de la loi de 1965 sont d’ordre public et obligent les copropriétaires à participer aux charges générales.
Au visa de ces articles, la Cour d’appel conclut que « les dommages et intérêts et frais de procédure auxquels le syndicat des copropriétaires est condamné sont donc des charges communes générales ».
Dès lors, la Cour d’appel en a déduit que les règlements de copropriété ne pouvaient prévoir que les frais de procédure constituaient des charges communes spéciales.
La seule hypothèse qui permettrait de faire peser de telles charges aux seuls copropriétaires concernés serait de créer un syndicat secondaire, propre à chaque bâtiment dans le cas d’espèce. Celui-ci aurait alors qualité à agir et représenterait uniquement les copropriétaires concernés.