La retenue de garantie dans un marché privé de travaux

Cabinet CMC AvocatActualités juridique, Droit de l’immobilier et de la construction

En matière de marché de travaux, il est fréquent que soit retenue par le maître d’ouvrage, une partie du montant total du marché à titre de garantie.
Cette pratique est réglementée par les dispositions de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 afin de protéger le constructeur d’une retenue abusive ou injustifiée du solde de son marché par les maîtres d’ouvrage au motif de prétendues malfaçons affectant l’ouvrage réalisé.

Qu’est-ce qu’une retenue de garantie ?

La retenue de garantie est définie par l’article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 comme une somme bloquée par le maître d’ouvrage, équivalant au maximum à 5% du montant TTC total du marché privé, afin de garantir contractuellement l’exécution des travaux, « pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l’ouvrage ».

Il ressort de ce texte que la retenue de garantie est nécessairement contractuelle ; de sorte qu’elle doit être prévue au marché. À défaut, aucune retenue ne pourra être pratiquée en cours d’exécution du marché sans l’accord du constructeur.
La somme correspondant à la retenue de garantie doit être consignée entre les entre les mains d’un tiers consignataire désigné conventionnellement par les parties ou judiciairement en cas de désaccord entre les parties.

À défaut de respecter cette obligation, le constructeur peut demander le remboursement des sommes retenues nonobstant l’absence de levée de réserves (Cass. 3ème Civ., 18 décembre 2013 n°12-29.472).

La retenue de garantie peut être conservée pendant un délai maximum de 12 mois à compter de la réception des travaux dans le cadre d’un marché privé (article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971).
Étant précisé que la propriété des fonds consignés n’est pas transférée ; ceux-ci restant celle du maître d’ouvrage pendant toute la durée du séquestre.

Quelle est sa finalité ?

La finalité de la retenue de garantie a fait l’objet d’interrogations et a été débattue en jurisprudence.
Dans un premier temps, la Cour de cassation a admis que la retenue de garantie n’avait pas pour finalité de garantir les conséquences des retards d’exécution (Cass. 3ème ci., 28 septembre 1983, n°82-13.284) ou l’achèvement du chantier (Cass. 3ème civ., 26 février 1992, n°90-12.684).
Par un arrêt du 15 novembre 1995, la Cour de cassation a considérablement élargi le champ d’application de la retenue de garantie en confirmant que « ces garanties ne se limitaient pas aux seuls travaux mal exécutés, mais englobaient l’inexécution par l’entrepreneur de son obligation de réaliser l’ouvrage contractuellement promis » (Cass. 3ème civ., 15 novembre 1995, n°94-10.327).

Dès lors, les sommes retenues venaient garantir le maître d’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution du marché, sans distinction particulière.

Dans les années 2000, la Haute juridiction a procédé à un revirement de jurisprudence en considérant que la retenue de garantie avait pour seule finalité de garantir les travaux nécessaires à la levée des réserves et non pas d’assurer la bonne fin du chantier (Cass. 3ème civ., 7 décembre 2005, n°05-10.153).
La finalité de la retenue de garantie est de nouveau interprétée strictement, cantonnée à la garantie de la levée des réserves à la réception par le constructeur.
D’ailleurs, il a été jugé qu’en l’absence de réception de l’ouvrage, le maître d’ouvrage est tenu de procéder à la libération de la retenue de garantie quand bien même le constructeur est condamné au titre des malfaçons affectant l’ouvrage réalisé (Cass. 3ème civ., 24 mars 2015, n°13-27.286).

La libération de la retenue de garantie est-elle automatique ?

Aujourd’hui, il est parfaitement établi que la retenue de garantie ne peut être mobilisée que pour garantir la levée des réserves à la réception par le constructeur ; ce qui suppose une réception de l’ouvrage.

Dans l’hypothèse d’une réception de l’ouvrage sans réserve, le maître d’ouvrage sera contraint de procéder à la libération intégrale de la retenue de garantie au plus tard dans un délai de 12 mois à compter de la réception de l’ouvrage dans le cadre d’un marché privé.

Dans l’hypothèse d’une réception de l’ouvrage avec réserves, le constructeur sera tenu de procéder à la levée des réserves. À défaut, et sous réserve d’avoir régulièrement mis le constructeur en demeure d’intervenir, le maître d’ouvrage pourra conserver tout ou une partie de la retenue de garantie consignée.

La retenue de garantie et la garantie de bonne fin de travaux : deux garanties distinctes mais complémentaires

La retenue de garantie ne doit pas être confondue avec la garantie de bonne fin.

Le maître d’ouvrage pourra prévoir au marché une clause dite de « bonne fin de travaux » visant à garantir le versement au maître d’ouvrage des sommes nécessaires à l’achèvement des travaux, à la reprise des travaux mal exécutés par le constructeur ou non-conformes.
Une telle disposition offrira au maître d’ouvrage une garantie distincte de la retenue de garantie et complémentaire à celle-ci.