Décryptage de la jurisprudence sur le renouvellement du bail commercial : Cass. 3e civ. 11 janvier 2024 n° 22-20.872 FS-B, M. c/ Communauté de Communes de Charente Limousine.

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Nouveau chausse trappe dans les baux commerciaux : le congé délivré par le bailleur aux fins de renouvellement du bail doit s’en tenir strictement à solliciter le renouvellement aux mêmes charges et conditions que le bail expiré, hors le prix, à défaut de quoi il s’analyse comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction (Cass. 3e civ. 11 janvier 2024 n° 22-20.872 FS-B, M. c/ Communauté de Communes de Charente Limousine).

Nous vous décryptons cette jurisprudence afin de vous accompagner au mieux dans les cas de renouvellement du bail.

Par principe, le bail commercial est conclu pour une durée qui ne peut être inférieure à 9 ans (article L.145-4 du Code de commerce). Généralement, il est rythmé par période de trois ans, aux termes desquels le locataire peut résilier, c’est pour cette raison qu’il est parfois, appelé « bail 3/6/9 ».
A l’expiration du bail, soit au terme des 9 années, le bail n’est pas tacitement renouvelé, mais se poursuit par, tacite reconduction, situation précaire dans la mesure où bailleur et locataire peut résilier, à tout moment, avec un préavis de seulement 6 mois(article L145-9 du Code de commerce).

Le renouvellement doit donc être exprès.

Le renouvellement peut être demandé soit, et de préférence, avant le terme des 9 années, soit à tout moment, au cours de la tacite reconduction afin de pérenniser la relation contractuelle.
Il prend la forme, soit d’un congé portant offre de renouvellement délivrée par le bailleur, soit, à défaut, d’une demande de renouvellement émanant du locataire (articles L.145-8 et L.145-9 du Code de commerce).

C’est sur ce premier acte, émanant du bailleur, que la Cour de cassation a, aux termes de son arrêt du 11 janvier 2024, apporté des précisions très instructives sur le contenu du congé valant offre de renouvellement.

La Cour de cassation, dans cet arrêt récent, énonce que : « un congé avec une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction. »

Ainsi, le congé portant offre de renouvellement doit s’en tenir strictement à solliciter le renouvellement du bail aux mêmes charges et conditions, sauf de loyer.

Ce principe avait déjà été arrêté par la jurisprudence : « Le renouvellement du bail commercial s’opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation de prix » (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 17 mai 2006, 04-18.330, Publié au bulletin).

Néanmoins, la nouveauté de l’arrêt de janvier 2024 est que le juge précise, qu’à défaut de renouvellement aux mêmes charges et conditions, le congé sera assimilé à un congé sans offre de renouvellement du fait qu’il contient des modifications par rapport au bail initial.

La Cour de cassation estime qu’en insérant dans le congé des conditions différentes de celles du bail initial, le bailleur manifeste sa volonté de ne pas renouveler celui-ci.

Or, si le congé est assimilé à un congé sans offre de renouvellement, le bailleur sera tenu (sauf cas très particulier) au paiement d’une indemnité d’éviction au profit du locataire (article L.145-14 du Code de commerce).

La sanction est redoutable pour le bailleur qui n’était pas animé par des intentions de résilier le bail, mais simplement d’en modifier certaines de ces clauses, parfois mêmes accessoires ou non financières comme par exemple, l’autorisation préalable du bailleur pour sous-louer le local ou tout simplement une volonté de se mettre en harmonie avec de nouvelles dispositions légales ou règlementaires en vigueur, relatives aux charges, à l’indexation, ….

Dans le cas d’espèce, le bailleur entendait d’ailleurs régulariser un nouveau bail mis à jour des nouvelles évolutions législatives.
L’initiative du bailleur est durement sanctionnée.

Il est ainsi recommandé aux bailleurs de se cantonner dans le congé valant offre de renouvellement à solliciter le renouvellement, et, le cas échéant, comme la loi et la jurisprudence, sur ce point, l’y autorise, un nouveau loyer.

Il gardera sous silence dans le congé d’éventuelles modifications relatives à d’autres points du bail et les soumettra au locataire par courrier séparé, distinct du congé.
Cette négociation des clauses contractuelles, le cas échéant, sous le couvert d’échanges confidentiels entre avocats, en marge des actes de renouvellement, préservera ainsi le principe du renouvellement et l’intention des parties.